N° 16 - Éloge du présent

La parution d’ENTROPIA cesse. Un dernier numéro, composé de deux faces, paraît au printemps 2015 : l’une, exclusivement rédigée par les membres du comité de rédaction, sera intitulée « Eloge du présent » ; le « préambule final » que l’on peut lire ci-dessous s’explique sur ce choix. L’autre traitera de la science-fiction et portera le titre « L’Obsolescence du futur ».
Le numéro 16 ne sera pas disponible en librairie. Toutefois, les personnes désirant se procurer un ou plusieurs exemplaires peuvent les commander en nous écrivant.

Préambule final
Un p’tit dernier, pour la route…

« C’est à cause que tout doit finir que tout est si beau »
Charles-Ferdinand Ramuz

Pendant huit années, Entropia a proposé à ses lecteurs des pistes de réflexion pour donner à l’idée de décroissance des fondements théoriques, politiques et poétiques nécessaires à son exploration. Dès la première phrase de sa première livraison, nous avons donné le ton : « Toute pensée qui refuse son autocritique n’est plus une pensée, mais une croyance. » Interroger, s’interroger sans céder aux tentations dogmatiques, fut en quelque sorte notre boussole. Cette aventure éditoriale s’achève avec ce numéro 16, au moment même où la critique, voire le rejet, du mythe de la croissance sans limites gagne du terrain dans l’opinion publique. Ce n’est pas le moindre des paradoxes. Paradoxal ne l’est pas moins le thème de la première face de cette dernière livraison : « Éloge du présent ».

Paradoxal, en effet, car pourquoi et comment faire l’éloge d’un présent qui, par de multiples aspects – psychiques, culturels, sociaux, économiques et politiques – évoque tout ce contre quoi cette revue d’étude théorique et politique de la décroissance s’est opposée depuis sa création en cherchant et en proposant des antidotes aux poisons qui ravagent le monde ?

La seule possibilité offerte pour dépasser ce paradoxe fut de ne pas confondre le présent fugitif de l’actualité avec une nécessaire et vigilante présence au monde tel qu’il est. Présence insurgée, certes ; présence pour l’analyser, le comprendre, l’aimer malgré tout et tenter de contribuer à transformer radicalement son cours. Dans son « Avant-propos » au livre d’André Gorz, Le Traître, Jean-Paul Sartre écrivait, en 1957 : « Sans repères, suscités par une inquiétude sans nom, les mots travaillent […]. La voix nait d’un péril : il faut se perdre ou gagner le droit de parler à la première personne ». C’est en affirmant la subjectivité de leur présence au monde que les auteurs de cette singulière louange, membres présents ou passés du comité de rédaction d’Entropia, ont répondu à ce paradoxe, selon leur regard, leur âge, leur sexe et leur expérience. On lira donc, ici, différentes prises de position à la première personne du singulier. Pour donner chair à l’œuvre des mots.

L’aventure d’Entropia fut une aventure de contestations, de débats entre des points de vue et des engagements dissemblables. Mais aussi d’amitiés n’excluant pas les désaccords. Et c’est bien ce « droit de parler à la première personne » qui s’exerce dans les textes rassemblés sous le titre « Éloge du présent ». On verra que leurs auteurs se sont moins attachés à interroger la notion de présent, stricto sensu, qu’à dévoiler subjectivement l’énergie qui les anime au cours de leur passage existentiel. Énergie pétrie d’enthousiasmes, de fatigues parfois et d’insurrections, toujours. Bref, de ce qui leur tient le plus à cœur pour défricher un chemin qui se dessine en marchant. Toutefois, nous ne pouvions pas quitter l’aventure d’Entropia sans réfléchir aux possibles : ce que l’on sent, ce que l’on pressent, ce que l’on redoute, ce contre quoi il reste à se battre, ce qui est désiré pour demeurer vivant et debout, au présent.

Chère lectrice, cher lecteur, telle que vous la tenez entre vos mains, la revue achève donc son parcours. Comme beaucoup d’autres publications imprimées, nous avons dû faire face à une progressive diminution de notre lectorat, sans doute liée, pour une part, à la désaffection grandissante pour les exigences de la pensée dissidente, et pour l’autre, à l’inadéquation de la forme proposée. Après l’arrêt de la publication du bimestriel Le Sarkophage, dirigé par Paul Ariès durant plusieurs années également, nos amis éditeurs, Florence Curt et Bernard Delifer – alias « Parangon » – cessent entièrement leur activité. Bien inconscients seraient leurs successeurs, s’il en existait !

Quand nous avons prévenu nos abonnés de la fin d’Entropia, nous avons reçu de nombreuses marques de d’amitiés et de regrets. Que tous les lecteurs, ainsi que toutes celles et ceux qui ont contribué à l’existence de cette revue, soient ici chaleureusement remerciés, sans oublier Yannick Hélène de la Fuente et Alberto Zambrano, qui ont créé et fait vivre le site Internet d’Entropia, ni les nombreuses personnes qui ont assuré l’hospitalité des rencontres publiques et des colloques, dans tous les lieux où ils ont pu, grâce à elles, être tenus.

Cette revue, nous l’espérons, aura peut-être contribué à décaler et approfondir les débats sur les questions fondamentales de notre temps, que l’idée provocante de décroissance permet de mettre en lumière par sa seule évocation. Avec tous ses défauts et malgré sa faible diffusion, elle a occupé, vaillante, cette place, le temps qu’elle a pu. Nous ne quittons pas le terrain solaire de la lucidité mais cédons la place à d’autres qui combattront la fatalité et feront vivre, politiquement et poétiquement, la conscience insurgée ; nous la cédons dans l’intime espoir qu’après huit ans et seize numéros, la communauté des ébranlés s’en trouve quelque peu élargie…

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Pour mémoire : petite chronologie de la revue Entropia

Le 7 décembre 2005, dans un bistrot à Paris, Serge Latouche, Alain Gras, Jean-Paul Besset et Jean-Claude Besson-Girard, forts de l’engagement préalable à leurs côtés de Florence Curt et Bernard Delifer, sans qui rien n’aurait commencé ni duré, décident de créer Entropia, avec ce beau titre proposé par Serge Latouche.

 Le 1er avril 2006, toujours à Paris, avec une vingtaine de partisans convaincus, le projet est lancé. Un premier comité de rédaction est constitué par cooptation : Jean-Paul Besset, Jean-Claude Besson-Girard, qui prend en charge le souci de l’animation et de la direction de la revue, François Brune, Alain Gras, Serge Latouche et Agnès Sinaï.

 Automne 2006 ? Le 23 novembre de la même année, à l’initiative d’Yves Cochet, le premier numéro, Décroissance et politique, est présenté dans une petite salle de réunion de l’Assemblée Nationale.

 Printemps 2007 : le N°2, Décroissance et travail, est coordonné par Laurent Cordonnier, Bernard Guibert et Serge Latouche. Le dimanche 2 septembre 2007, l’Association des amis d’Entropia, est créée, et Serge Latouche en prend la présidence, à l’issue du Forum Social Local de Faucon, petit village de Vaucluse. Depuis cette date et jusqu’en 2010, Jean Monestier a filmé, tout en y participant activement, les différentes présentations-débats organisées après chaque sortie de numéro. Thomas Gauthier, fondateur et animateur de Passerellesud, les a enregistré jusqu’en 2012.

 Automne 2007 : N°3, Décroissance et technique. Coordination du dossier : Simon Charbonneau, Alain Gras et Jacques Testart.

 Printemps 2008 : N°4, Décroissance et utopie. Coordination du dossier : Jean-Claude Besson-Girard, François Brune et Geneviève Decrop. Le 29 mars 2008 : Colloque sur le thème à la Sorbonne, en hommage à André Gorz, avec la participation d’Edgard Morin.

 Automne 2008 : N°5, Trop d’utilité ? Coordination du dossier : Serge Latouche, Christian Laval et Bernard Guibert. Le 15 novembre 2008, colloque sur le thème à Montpellier.

 Printemps 2009 : N°6, Crise éthique, éthique de crise ? Coordination du dossier : Geneviève Decrop, Chantal Guillaume et Bernard Guibert. Le 4 avril 2009, colloque sur le thème à l’Université Paris 5 – René Descartes, rue des Saints Pères.

 Automne 2009 : N°7, L’effondrement : et après ? Coordination du dossier : Françoise Gollain et Simon Charbonneau. Le 7 novembre 2009, colloque sur le thème à Besançon.

 Printemps 2010 : N°8, Territoires de la décroissance. Coordination du dossier : Christophe Laurens, Thierry Paquot et Jean-Claude Besson-Girard. Le 15 mai 2010, colloque sur le thème à l’Université de Louvain-la-Neuve, en Belgique, à l’initiative de Paul Lannoye.

 Automne 2010 : N°9, Contre-pouvoirs et décroissance. Coordination du dossier : Angélique Del Rey, Martine Auzou, Miguel Benasayag et Bernard Guibert. Le 18 décembre 2010, colloque sur le thème à Paris, salle Van Dame de la mairie du 2e arrondissement.

 Printemps 2011 : N°10, Aux sources de la décroissance. Coordination du dossier : Luc Semal, Mathilde Szuba, Simon Charbonneau et Aurélien Cohen. Le 7 mai 2011, colloque sur le thème à Libourne.

 Automne 2011 : N°11, Le Sacré : une constante anthropologique ? Coordination du dossier : Jean-Claude Besson-Girard, Alain Gras et François Gauthier. Le 11 décembre 2011, colloque sur le thème à Paris, salle Van Dame.

 Printemps 2012 : N°12, Fukushima, fin de l’Anthropocène. Coordination du dossier : Françoise Gollain et Agnès Sinaï. Le 19 mai 2012, colloque sur le thème à La Roche-Vineuse, près de Mâcon.

 Automne 2012 : N°13, La décroissance et l’État. Coordination du dossier : Alice Canabate, Philippe Gruca, Simon Charbonneau et Jean-Claude Besson-Girard. Le 24 novembre 2012, colloque sur le thème à Paris, salle Van Dame.

Après six années en tant que secrétaire de rédaction, assurant l’organisation et le compte-rendu des réunions internes, Alice Canabate a repris, avec Philippe Gruca, la direction de la rédaction lorsque Jean-Claude Besson-Girard a choisi de passer la main et de reprendre son métier de peintre ; Serge Latouche acceptant, avec bienveillance, la fonction symbolique de directeur.

 Printemps 2013 : N°14, La saturation des mondes. Coordination du dossier : Michel Guet et Bertrand Méheust. Le 1er juin 2013, colloque sur le thème à Joigny.

 Automne 2013 : N°15, L’Histoire désorientée. Coordination du dossier : Jean-Baptiste Fressoz, Philippe Gruca et Philippe Léna. Le 29 novembre 2013, Colloque sur le thème à Paris, à l’EHESS.

 Automne 2014 : N°16, Éloge du présent / L’Obsolescence du futur. Coordination des dossiers : Alice Canabate, Philippe Gruca et Jean-Claude Besson-Girard. Le 22 novembre, colloque sur les deux thèmes à Besançon.

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Liste (classée par ordre d’entrée en scène) des auteurs publiés dans Entropia, depuis le premier numéro. Les personnes dont les noms sont suivis d’une * ont été membres du comité de rédaction.

Serge Latouche*, Jean-Claude Besson-Girard*, Bruno Clémentin, Michael Singleton, Michel Dias, François Brune*, Geneviève Decrop*, Yves Cochet*, Arthur Mitzman, Bernard Guibert*, Agnès Sinaï*, Fabrice Flipo, Paul Ariès, Jean-Paul Besset*, Jacques Grinevald, Yannick-Hélène de la Fuente, Claude Llena*, Bernard Charbonneau, Jean-Marie Harribey, Laurent Cordonnier, Franck Van de Velde, André Gorz, Gérard Dubey, Maurizio Palente, Sandrine Rousseau, François-Xavier Devetter, Charles Piaget, Daniel Cérézuelle, Jean Monestier, Willem Hoogendijk, Jacques Fradin, Alain Gras*, Dominique Bourg, Alexandre Duclos, Raphaël Koster, Jacques Testart, Ernest Garcia, Laure Dobigny, Simon Charbonneau*, Paul Lannoye, Michel Guet*, Christophe Boureux, Marc Berdet, Angélique del Rey, Miguel Benasayag, Alexandre Genko, Christian Araud, Chantal Guillaume*, Martine Auzou, Adrien Royo, Françoise Gollain*, Jacques T. Godbout, Alain Caillé, Marc Humbert, François Gauthier, Onofrio Romano, Groupe du Chêne, Stéphane Lavignotte, Michel Gaillot, Raphaël Draï, Fabien Revol, Stéphane Haber, Pierre Charbonneau, Aurélia Jugé, Philippe Leconte, Kate Soper, Edgar Morin, Gustavo Fernandez Colon, Marie-Pierre Najman, Dominique Méda, Alain Cazenave-Piarrot, Jean-Paul Malrieu, Vincent Cheynet, Frédéric Neyrat, Jean Gadrey, Luc Semal*, Mathilde Szuba*, Philippe Blackburn, Marcel Hénaff, Thierry Paquot*, Tiziana Vilani, Aurélien Boutaud, David Besson-Girard, Zygmunt Bauman, Kirkpatrick Sale, Philippe Gruca*, Christophe Laurens*, Barbara Glowczewski, Hervé Le Bras, Florence Rudolf, Agathe Eyriolles, Anna Bednik, Raul Zibechi, Antonio Gustavo Gomez, Georges Lapierre, Carlos Manzo, Jérôme Baschet, Jorge Rulli, Josette Fontaine, Romain Felli, Alice Canabate*, Bertrand Méheust*, Joël-Claude Meffre, Laurence Biberfeld, Marie-Dominique Perrot, Gilbert Rist, François Jarrige, Arnaud du Crest, Michel Lepesant, Aurélien Cohen, Édouard Schalchli, Timothée Duverger, Céline Pessis, Frédéric Durand, Yann Raison du Cleuziou, Émilie Dazé, Yves Abraham, Ruben Deniz Utrada, Bertrand Rolin, Jean-Luc Coudray, Driss Brice Bachiri, Laurent Hutinet, Claus Peter Ortlieb, Dipesh Chakrabarty, Xavier Rabilloud, François Diaz Laurin, Silvia Grünig Iribarren, Philippe Bihouix, Marc Humbert, Annie Salager, Henri Droguet, Jean-Claude Dumoncel, Pat Mooney, Sébastien Morillon-Brière, Muriel Roland, Gilles Luquet, Jean-Marc Luquet, Clément Homs, John Rackham, Alexandre Lucas, Isabelle Babois, Frédéric Jars, Clara Breteau, Florence Leray, Ivan Illich, Olivier Rey, Jean-Pierre Dupuy, Renaud Garcia, Frédéric Rognon, Pangloss, Jean-Luc Evard, Tim Ingold, Aurélien Berlan, Guillaume Carnino, Bertrand Louart, Thomas Le Roux, Christian Roy, Éric Baratay, Augustin Berque, Jean-Baptiste Fressoz, Philippe Bourdeau, Christian Roy, Thierry Rogel, Yannick Rumpala, Maxime Derian, Patrick Vassort.

Soit 174 auteurs, dont certains le furent de plusieurs articles.

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Jean-Claude Besson-Girard, Alice Canabate et Philippe Gruca


Les numéros d’Entropia seront en ligne prochainement sur ce site. Les numéros
1 - Décroissance et Politique
2 - Décroissance & travail
3 - Décroissance & technique
le sont déjà.

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Bonne lecture à tous.